SAYAT-NOVA

SAYAT-NOVA



Sayat-Nova est l’une des plus hautes, belles et attachantes figures de la poésie arménienne. Haroutioun Sayatian dit Sayat-Nova est né le 14 juin 1712 à Sahahine, de parents Arméniens, serfs du roi Irakli II de Géorgie. À cette époque, l’Arménie est partagée entre les deux empires perse et ottoman. Serf lui-même, Sayat-Nova ne reçoit qu’une instruction rudimentaire et devient apprenti tisserand.

Luc-André Marcel ajoute : « Il était presque illettré…. Mais son flair ne le trompe jamais. Il palpe les mots ou les inflexions mélodieuses comme un paysan la bonne graine. » Autodidacte, Sayat Nova développe un grand talent de poète, musicien et chanteur, qui lui permet d’être repéré par le roi et d’entrer à son service en 1742. Sayat-Nova est banni une première fois, au bord de la mer Caspienne, en mars 1752. En 1754, il est de retour à la Cour, puis banni définitivement en 1759.

À la Cour, le poète arménien n’a pas que des amis. Certains, nombreux, jalousent son talent et/ou dénigrent ses origines. Mais le scandale, c’est que Sayat-Nova est follement épris de la belle princesse Anna Batonichvili, la sœur du roi, née en 1722 et mariée en 1744 au prince géorgien Dimitri Orbéliani, l’année même où le troubadour entre au service du roi. Anna, inépuisable source d’amour et d’inspiration, est la Nazanie de ses poèmes, l’inaccessible Bien-aimée. Dissimulé, et peut-être partagé (?), cet amour impossible cause la perte du poète et son exil.

En 1768, après la mort de son épouse Marmare (ils ont quatre enfants), Sayat-Nova devient Ter Stépanos au monastère d’Haghpat où il travaille comme copiste. Simple moine en 1768, il devient Grand sacristain en 1778. En septembre 1795, le shah de Perse, Agha Mohammad Khan envahit Tiflis et les environs avec son armée. Parce que Chrétien et Arménien, refusant d’abjurer sa foi pour l’islam, Sayat-Nova, qui s’était rendu à Tiflis pour protéger ses enfants, est massacré à coups de sabre dans la cathédrale arménienne de Sourp Kevork (Saint-Georges) à Tbilissi, par les soldats du Shah, le 22 septembre 1795. Sa tombe est située à l’entrée de la cathédrale. La renommée de cet immense achough, troubadour, rayonne dans le Caucase, en Asie Mineure et dans tout le Proche-Orient.

Musicien, poète, chanteur inégalable, il magnifie l’Amour, la femme, la Beauté, le peuple, l’amitié, composant non seulement en arménien, mais aussi en géorgien et en azerbaïdjanais, s’accompagnant du saz (luth à manche long), du duduk (hautbois arménien) ou du kamantcha (vièle à archet). Lyrique et enthousiaste, cette œuvre est tout autant sang et exil du Feu ardent, épines et souffrances du rossignol face à la rose, le fruit grenade qui explose. Le grand cinéaste arménien Sergueï Paradjanov a consacré au troubadour l’un de ses plus beaux films, un chef-d’œuvre : Sayat-Nova, la couleur de la Grenade (1969).

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

À lire (en français) : Sayat-Nova, Odes arméniennes, édition bilingue, trad. Élisabeth Mouradian et Serge Venturini (L’Harmattan, 2006).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules



 
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